Le bazar magique
H. G. Wells
J’avais vu de loin plusieurs fois le bazar magique. Une fois ou deux j’avais passé devant sa vitrine aux objets attrayants : balles ensorcelées, miroirs magiques, gobelets merveilleux, poupées ventriloques, matériel d’escamotage, paquets de cartes qui avaient l’air « comme les autres » et mille objets de ce genre ; mais jamais il ne m’était venu à l’idée d’entrer. Pourtant un jour, tout à fait à l’improviste, Gip me tira par le doigt et m’amena devant la vitrine : il fit tant et si bien qu’il ne me resta plus qu’à entrer avec lui.
À vrai dire, je n’aurais pas cru que cette boutique, avec sa devanture de dimensions modestes, pût se trouver là, dans Regent Street, entre le marchand de tableaux et le magasin de couveuses artificielles avec les petits poulets, frais éclos, en montre. Mais c’est là qu’elle se trouvait évidemment. Je m’étais imaginé qu’elle se cachait plus bas, vers le Circus, ou au coin d’Oxford Street, ou même dans Holborn, toujours de l’autre côté de la rue, et un peu inaccessible, avec quelque chose d’un mirage… Mais je l’avais là, cette fois, indiscutablement, et l’extrémité de l’index de Gip se promenait en grinçant sur la glace de la devanture.
– Si j’étais riche, – disait Gip, en indiquant l’œuf qui s’escamote, – je m’achèterais cela… Et cela ! – Il désignait le bébé qui pleure. – Et puis cela !
Cela était un mystère et se dénommait, ainsi l’affirmait une étiquette : « Achetez-en un et émerveillez vos amis. »
– Sous un de ces gobelets, – expliquait Gip, – on peut faire disparaître tout ce qu’on veut. Je l’ai lu dans un livre… Tiens, papa, voilà le sou qui s’éclipse, seulement ils l’ont posé comme cela pour ne pas qu’on voie comment se fait le tour.
Gip, ce cher enfant, a hérité des qualités de sa mère ; il ne se proposait certes pas d’entrer dans la boutique et ne se tourmentait pas réellement d’acquérir ces objets. Seulement, vous savez bien, d’une façon tout à fait inconsciente, il m’entraînait d...